Publié par : Malika Benarab-Attou | 12 novembre 2012

NUMÉRIQUE: œuvres en ligne, l’UE doit adopter un modèle plus flexible

Bruxelles, 06/11/2012 (Agence Europe) – Trop de lenteurs, trop de restrictions, trop de diversité. Les experts invités à s’exprimer sur l’accès en ligne à des œuvres culturelles et créatives ont dressé, mardi 6 novembre, devant les députés de la commission de l’éducation et de la culture du Parlement européen, un bilan peu réjouissant du processus de numérisation des biens culturels dans l’Union européenne et de l’accès public à ces œuvres. « Le patrimoine culturel européen peut être maintenu en vie seulement si nous tirons avantage des possibilités techniques. Grâce aux services en ligne, l’éducation et la culture européennes sont accessibles à tout un chacun », a déclaré la présidente de la commission parlementaire, Doris Pack (PPE, allemande).

Quatre experts ont exprimé leur opinion sur les démarches nécessaires pour faciliter l’accès en ligne aux œuvres culturelles et donné leur vision des défis qui se profilent comme le rôle des archives en ligne, l’autorisation pour la mise en ligne de données et les droits d’auteur ainsi que les problèmes liés aux aspects juridiques. Ex-président de l’IFTA (International Federation of Television Archives), Peter Dusek a évoqué l’extrême variété des systèmes d’autorisation existant en matière d’accès aux archives (audiovisuelles notamment). Il faut absolument arriver à une Europe unie, capable de parler d’une seule voix sur les thèmes culturels, et faire une distinction entre l’utilisation individuelle et massive des données dans les tentatives de réglementation du droit d’auteur, a-t-il souligné. Expert impliqué dans un large éventail de projets de numérisation, notamment Europeana, Paul Keller a évoqué la mission des institutions culturelles publiques telles que les musées et mis en évidence la contradiction qui existe en matière d’accessibilité des œuvres soumises aux droits d’auteur, librement accessibles au public dans les locaux des musées mais indisponibles en ligne en raison de procédures fastidieuses en matière de copyright. Pour la juriste spécialisée Anne-Catherine Lorrain, il faut envisager des modèles simplifiés et garantir l’accès en ligne au patrimoine. Selon elle il faut changer de point de départ et non plus se concentrer sur les contenus illicites mais plutôt sur les possibilités d’accès « à ce qui n’est pas encore licite ». Quant au professeur en sciences de l’information, Stefan Gradmann, évoquant les problèmes liés à l’expansion d’Europeana, il propose la création d’un groupe d’experts européens pour éclairer la Commission européenne et le PE sur les éléments d’une réforme. Il a également évoqué une coopération éventuelle entre Europeana et Google en insistant sur la transparence des contrats.

L’Union européenne se trouve dans une situation absurde, il faut être plus courageux et se lancer dans l’harmonisation des normes existantes via un dénominateur commun basé sur le modèle d’un partenariat public-privé, a déclaré le député polonais Piotr Borys (PPE). Pour Malika Benarab-Attou (Verts/ALE, française), il est important de reconsidérer la durée de vie des droits d’auteur et l’approche patrimoniale actuelle, où les héritiers d’un artiste recueillent les redevances sur une œuvre sans en être les créateurs. Jean-Marie Cavada (PPE, français) insiste: il n’y a pas d’économie culturelle sans droits d’auteur ; les redevances sont essentielles et il faut pouvoir arriver à une harmonisation juridique des systèmes existants. Inquiète de l’avance des autres continents, Marietje Schaake (ADLE, néerlandaise) plaide pour un système plus flexible: « Il faut accélérer le travail législatif et dépasser nos propres conflits. » Actuellement, la numérisation des œuvres se situerait entre 15 et 20 % et 1,5 % des films seulement sont numérisés, a remarqué Detlef Eckert, de la DG Société de l’information à la Commission européenne. Il a comparé le défi de la numérisation des œuvres à une énorme montagne dont on n’a gravi que quelques arpents, où la question du financement du processus de numérisation jouera un rôle essentiel. La directive sur les œuvres orphelines est un pas dans la bonne direction, « mais elle ne résout pas tout », a-t-il souligné. La Commission espère dégager un financement pour Europeana dans le cadre du Mécanisme pour l’interconnexion de l’Europe (MIE) a ajouté M. Eckert, en évoquant aussi la nécessité, en 2013, de trouver des modèles de licences innovants portés vers l’avenir, indépendamment de la révision du droit d’auteur. En conclusion, Doris Pack a rappelé « LE » défi de l’Union européenne par rapport à ses partenaires mondiaux: l’UE n’est pas un État mais une fédération d’États, l’adoption d’une directive prend du temps et sa transposition en droit national encore plus. Entre-temps, la technologie évolue… Il faut donc privilégier une approche pratique et non pas légaliste sous peine de ne pas avancer, a-t-elle prévenu. (IL)

Agence Europe SA


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